La peur est une réaction face au danger. Le tigre est là, menaçant, j'ai peur et si je n'en suis pas figé sur place, je cherche des solutions pour m'en tirer. L'angoisse est une réaction face à l'idée du danger. J'entends des bruits autour de moi, dans l'ombre de la forêt. Serait-ce un tigre? Ou simplement la brise qui agite les feuilles. Je ne peux échapper à une danger invisible, l'angoisse m'envahit. Lorsque je suis accaparé par des pensées liées à des angoisses dont je ne connais que plus ou moins l'origine, parfois pas du tout, je peux essayer de me "changer les esprits", comme le dit l'expression commune. Il faut agir en espérant que l'acte permette un évitement. Chacun connaît cette expérience. Si l'angoisse me plonge dans la tristesse, je tente de trouver de la joie dans le divertissement, au sens large, que ce soit auprès d'un proche, dans un lieu amusant ou étonnant, dans la nouveauté, un livre, une balade, un voyage, la confection d'une tarte aux framboises pour les proches ... On dit communément que l'on "chasse les idées noires." En réalité, je tente d'éloigner celles-ci par une action qui m'en détourne, qui est censée m'en mettre à distance et me protéger. L'action, qu'elle soit physique ou intellectuelle, parvient à détourner l'esprit de ses préoccupations, et la tristesse s'estompe, dans le meilleurs des cas. Dans le meilleur des cas. Combien de temps?
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Les oiseaux noirs qui tournent dans le ciel intérieur sont têtus, ils ne s'éloignent pas bien longtemps. Ce ciel intérieur m'appartient, il est en moi, il est constitutif de moi-même, et il faut plus qu'un simple soufflet pour en chasser les ombres. Alors, bientôt, la tristesse revient, l'angoisse remonte, et je retombe dans l'état redouté, plus étouffant encore, parce que l'espoir d'avoir vaincu l'ombre est déçu, la déception vient s'agréger à l'angoisse et la renforce, la crainte de n'avoir aucun moyen de repousser les forces délétères vient en aggraver leur nocivité.
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Angoisse, tristesse, crainte diffuse, impatience, sentiment confus de panique, il n'est pas rare, en outre, que le corps émette à son tour les signes de l'angoisse, exprimés par des sensations, des gênes, des douleurs... je ne pourrais établir la liste infinie des effets d'une mauvaise circulation de l'énergie de vie (libido, souffle vital, ki, prâna, force primordiale... elle porte divers nom selon les cultures) Quelque part dans les corridors de l'âme, elle est entravée, nouée, mobilisée par un conflit dont, bien souvent, la raison ne sait rien. Sa représentation se dérobe dans l'oubli et sa puissance active, s'évacue en "poussée d'angoisse". Comme souvent, les expressions quotidiennes, employées avec naturel, recèlent des vérités. S'il y a poussée, c'est qu'il y a énergie. Le souffle de vie qui me porte, qui est l'énergie première, est partiellement mobilisé par un conflit intérieur, totalement ou partiellement inaccessible à la conscience, donc à la pensée, au raisonnement. Je suis démuni, face aux dégâts causés par un mal dont je ne sais rien, comme s'il s'agissait d'un invisible ennemi.
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Or, tant que le conflit perdure dans l'inconscient, il continue d'y mobiliser une force qu'il prend à la source, privant l'être d'une partie de son énergie vitale. Et la dynamique de production d'angoisse continue, augmente. Cette énergie résiduelle, détachée de son objet, erratique, peut même investir un autre objet rencontré ailleurs. Une araignée? L'obscurité? La foule? La joie, l'allant, la volonté de l'être sont affaiblies à la mesure de cette déperdition. L'inconscient tente de venir au secours du conscient en cherchant dans le réel un objet propice pour représenter le danger. Contre le danger intérieur, je ne peux rien. Devant une araignée, je peux fuir... ou l'écraser.
à suivre
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